Te Mana O Te Moana – Centre De Soins

En décembre 2024, l’une des membres fondatrices de l’association a eu le privilège de découvrir le centre de soins Te Mana O Te Moana, situé à Tahiti, et de poser de nombreuses questions pour mieux comprendre leur engagement et leur combat en faveur de la faune marine. Découvrez dans cet article les questions-réponses.
Tortue verte


Questions générales

Pouvez-vous nous présenter le centre et ses principales missions ?
Le centre œuvre pour la sauvegarde du monde marin en Polynésie, et particulièrement la protection des tortues marines. À travers nos actions de sensibilisation, d’éducation et de préservation, nous contribuons activement à la protection de cet écosystème fragile.

Que signifie : Te Mana O Te Moana ?
Te Mana O Te Moana signifie « L’esprit de l’océan ». L’association a pour but de protéger la biodiversité marine.

Depuis combien de temps le centre est-il en activité ?
Le centre a fêté ses 20 ans en 2024.

Quelles sont les tortues présentes à Tahiti ?
Les tortues que l’on trouve en Polynésie sont les tortues vertes et les tortues imbriquées. Il est dit qu’il pourrait y avoir aussi des tortues luth, mais nous n’en avons jamais observé.

Quels sont les principaux défis auxquels vous faites face dans la conservation et la réhabilitation des tortues marines à Tahiti ?
Il n’y a pas de défis majeurs auxquels je pense, à l’exception peut-être des fonds. Le matériel nécessaire pour soigner les tortues est coûteux ; par exemple, une analyse peut atteindre environ 600€. Il y a également la question du lieu, car nous souhaitions offrir à nos tortues un environnement naturel en lagon. Heureusement, l’Intercontinental de Moorea et celui de Tahiti ont accepté de nous héberger sur leurs sites à titre gracieux, ce qui a été un soutien précieux.
Concernant les difficultés avec les Polynésiens, notamment en raison de la culture locale où les tortues sont consommées, cela ne pose aucun problème. Tout se passe très bien. Nous ne sommes pas là pour faire la police ou émettre des reproches. Nous sommes avant tout chez eux, et cela fonctionne parce que nous mettons l’accent sur la communication et le dialogue. Nous cherchons à faire comprendre la problématique de manière respectueuse.

Y a-t-il d’autres animaux au centre, à part les tortues marines ?
Non.

Comment peut-on contribuer à l’association et quels types de rôles sont disponibles pour les bénévoles ?
L’association offre plusieurs moyens de s’impliquer. Elle compte des salariés, des bénévoles, des stagiaires, ainsi que des jeunes effectuant leur service civique. Le pôle soins est très sollicité, mais il y a toujours un besoin d’aide dans la partie éducation. En tant que bénévoles, il est aussi possible de proposer des compétences spécifiques que l’équipe n’a pas. Par exemple, une bénévole spécialisée dans la communication consacre plusieurs demi-journées par semaine pour gérer la communication de l’association et ses réseaux sociaux.

Comment les personnes intéressées par la cause peuvent-elles aider ou soutenir le centre, que ce soit à distance ou localement ?
Localement, vous pouvez devenir bénévole ou stagiaire, mais cette opportunité est réservée aux personnes résidant à Tahiti, car former les bénévoles demande du temps et le centre privilégie les collaborations durables. Vous pouvez également soutenir le centre en achetant des produits sur la boutique ou en faisant des dons. À distance, il est possible de nous soutenir en visitant notre boutique en ligne ou en faisant des dons pour financer nos projets.
Centre de soin : Te Mana O Te Moana


La réhabilitation des tortues

Quelles sont les principales causes pour lesquelles les tortues marines arrivent dans votre centre (blessures, pollution, braconnage, etc.) ?
En Polynésie, la tortue marine fait partie de la culture locale, étant considérée comme un repas de prestige, souvent réservé aux rois et aux chefs. Bien que la pêche soit aujourd’hui interdite, car les tortues sont protégées, le braconnage reste la principale cause d’admission des tortues dans le centre de soins. On observe souvent des impacts de harpon sur leur carapace, mais elles sont fréquemment visées à la tête, car c’est la zone la plus vulnérable. Actuellement, une tortue du centre a été retrouvée avec une flèche dans le cou, ce qui lui a sectionné le nerf optique, la rendant aveugle.

Les collisions avec les bateaux représentent également un danger majeur. Les tortues doivent remonter à la surface toutes les 20 à 40 minutes pour respirer, mais malgré leur excellente vue sous l’eau, elles sont presque myopes à la surface et ne voient pas les bateaux arriver. Lorsque ces derniers naviguent trop vite, les risques de collisions sont amplifiés, entraînant des blessures souvent causées par l’avant des bateaux ou les hélices.

La pollution plastique constitue une autre menace. Au fil des années, on constate de plus en plus de plastiques dans l’estomac des tortues. Ces déchets s’accumulent et forment des bouchons qui, malheureusement, finissent par tuer les tortues.

Enfin, les maladies et la prédation naturelle figurent également parmi les causes de blessures et de décès chez les tortues marines.

De plus, je souhaite rajouter que la population des tortues chute également à cause du taux de survie des œufs. En effet, le taux de survie des œufs lors de la ponte est très faible. Sur un nid de 100 œufs, un seul survit, et un sur mille atteint l’adolescence. Parmi les causes de ce taux si faible, on trouve les œufs écrasés par d’autres, ceux qui se font piétiner et ne parviennent pas à sortir, les fourmis qui mangent le liquide sur les œufs et les yeux (ce qui entraîne des bébés tortues aveugles), ainsi que le plus grand prédateur : les rats, introduits par l’homme, qui représentent un véritable fléau.

Quel est le taux de réussite en termes de réhabilitation et de réintégration des tortues dans leur milieu naturel ?
Il est difficile de quantifier précisément ces données, car elles sont basées sur des statistiques. Plus le centre accepte de tortues en mauvais état, plus le risque de pertes augmente. En termes de survie, on estime que moins de 50 % des tortues parviennent à se rétablir complètement.

Les tortues retournent-elles parfois au centre après leur libération ou gardez-vous un suivi sur elles ?
Cela est arrivé trois fois. Sur les centaines de tortues soignées et relâchées (environ 700), c’est un cas très rare.


La conservation et la protection

Comment le centre participe-t-il à la lutte contre la pollution plastique et ses effets sur la faune marine ?
Le centre participe activement à la lutte contre la pollution plastique à travers des actions de sensibilisation et de collecte de déchets. Nous nous efforçons de réduire l’impact du plastique sur l’environnement marin en impliquant la communauté locale et en sensibilisant à l’importance de préserver notre océan.

Pouvez-vous nous parler des projets en cours ou à venir du centre en matière de faune marine ?
Parmi nos projets, nous menons un recensement des crabes de cocotier sur l’île de Tetiaroa, qui est une espèce menacée.

Nous avons également un projet de replantation de plantes locales sur les plages, et cela pour deux raisons. Premièrement, nous pensons que les tortues se repèrent aussi à l’odeur lorsqu’elles reviennent pondre sur leur plage, et ces plantes pourraient les aider à reconnaître leur environnement. Ensuite, ce projet vise à limiter l’érosion des plages, un problème majeur, notamment face aux murets qui ont été construits et qui perturbent les écosystèmes locaux.
Article centre de soin Tahiti crabe de cocotier
Crabes de cocotier


L'éducation, un rôle majeur dans la préservation.

Le centre propose-t-il des programmes éducatifs pour sensibiliser le public à la conservation de la faune marine ?
Oui, c’est même l’un des points centraux de notre association. Nous intervenons auprès des jeunes, de la maternelle au lycée, et sensibilisons en moyenne 5000 enfants par an. Nous observons d’ailleurs une amélioration de leurs comportements au fil du temps. Lors de l’événement d’octobre (cf question suivante), nous avons touché entre 2000 et 3000 enfants en une semaine, à travers tous les archipels. Lors de ces interventions, nous ne parlons pas uniquement des tortues, mais abordons de manière plus large la préservation de la faune marine.

Est-ce que vous travaillez avec les touristes pour les éduquer sur l’importance de la préservation des tortues et de la faune marine ?
Les touristes ne sont pas vraiment notre cible principale. Par exemple, ceux qui viennent visiter l’association sont déjà souvent sensibilisés à la cause animale ou à l’environnement, et ce ne sont généralement pas eux qui jettent leurs déchets. Notre cible principale reste les jeunes, de la maternelle au lycée, auprès desquels nous faisons régulièrement des interventions. Durant le mois d’octobre, à l’occasion des 20 ans de l’association, nous avons mené une grande campagne de sensibilisation auprès des enfants dans tous les archipels. Nous sommes même allés dans une école reculée sur une île qui n’a que 6 élèves, répartis en plusieurs équipes. Cependant, les visites des touristes contribuent à porter notre message à l’international, à récolter des dons et à obtenir du mécénat pour soutenir notre cause.
Article centre de soin Tahiti les tortues vertes


l’impact du centre

Quel est l’impact du centre sur la conservation des tortues et de la faune marine en Polynésie ?
Il est difficile de quantifier précisément l’impact, car nous en savons très peu sur la population de tortues en Polynésie. Pour recenser un maximum de tortues, nous encourageons la participation du public en envoyant des photos des deux côtés de la tête des tortues que l’on croise en nageant, en indiquant également le lieu de la rencontre. Ces photos sont utilisées pour l’identification des tortues grâce à la disposition unique des écailles, qui fonctionnent un peu comme des empreintes digitales et nous permettent d’identifier chaque tortue individuellement.

Pour en découvrir davantage, rendez-vous sur leur site internet.
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